vendredi 20 mai 2011

Teofilo Chantre,en concert au New Morning le Jeudi 9 Juin 2011

                 Teofilo Chantre, swing solaire

                              Nouvel album, meStissage

Dans son sixième album, Teofilo Chantre emmène les mornas et les coladeiras en exil, à Paris ou au Brésil. Poète à l’âme vagabonde, avec meStissage, chanté à moitié en français et en créole, il s’impose comme le plus parisien des compositeurs capverdiens.
Quel qu’en soit le volume, l’air de rien, le corps reconnaît toujours un morceau de Teofilo Chantre : un léger balancement, un sourire doux-amer, un regard qui porte plus loin qu’à l’ordinaire. Depuis Terra & Cretcheu (1993), son premier album signé sur le label Lusafrica, Teofilo Chantre fend l’horizon avec ses arrangements lumineux, sa délicate bossa capverdienne, sa poésie rythmique. Dans son sixième album, meStissage, il emmène danser la langue française au pays des mornas et des coladeiras. Et le résultat est d’une saisissante beauté
                                             Poèmes
Dans la lignée directe d’un B.Leza, immense auteur de plusieurs classiques capverdiens, Teofilo Chantre l’autodidacte célèbre ici son parcours, à mi-chemin entre le Cap-Vert où il est né en 1963 et la France où il a rejoint sa mère à 14 ans, faisant l’expérience intime de l’exil. Son enfance au Cap-Vert se déroule entre l’île de Sao Nicolau et Sao Vicente, où il s’installe avec ses grands-parents. Vitorino Chantre, son père, est parolier dès le début des années 50, il écrit des poèmes et signe des paroles de mornas, "cette tristesse qui se danse, comme le tango".

Au moment de l’indépendance du Cap-Vert, en 1975, Vitorino transmet son exaltation à Teofilo, qui commence à onze ans à écrire ses premiers poèmes. Il noircit des dizaines de pages, chante à pleins poumons en marchant dans les collines de l’île. Des cahiers qu’il a tous perdus aujourd’hui. Adolescent, il rejoint sa mère en France. Il garde le souvenir de "l’évitement du regard" des Parisiens. Puis découvre la chanson française : Georges Brassens, Léo Ferré, Claude Nougaro et une langue, chantante et pleine d’images. Il y projette son imaginaire, fait de pêche, d’amour, de vent et de saudade, cette nostalgie ilienne.

A 16 ans, il se met à la guitare et jette rapidement sur le papier des bases d’arrangements. Son style délicat se fait rapidement remarquer dans la communauté capverdienne. Il croise José Da Silva en 1982, qui à ce moment-là est musicien et aiguille encore les trains à la SNCF. En 1992, lorsque celui-ci produit Miss Perfumado, le premier album international de Cesaria Evora, Da Silva lui commande trois textes. "Recordai qui raconte une fête de fin d’année est une de mes premières chansons, écrite lorsque j’avais 16 ans.
Les deux autres sont des mornas amoureuses écrites à 20 ans." 
                                                             Morna Nova                 

A propos de son amour de la bossa nova brésilienne, Teofilo Chantre explique : "Dans mon enfance au Cap-Vert, à travers la musique et la littérature nous étions reliés au Brésil. Quand j’étais adolescent, les années 60 au Brésil étaient romantiques : la bossa nova était une redéfinition de la musique brésilienne par les jeunes". C’est cet esprit bossa qu’il importe dans la musique capverdienne, pour amener les genres tant aimés à se renouveler, avec une nouvelle grâce tropicale, plus africaine. Il écrit la moitié des textes en créole capverdien, une langue "libre" et chante l’autre en français, pour raconter la deuxième partie de sa vie...                      Entre-deux

Depuis plusieurs années, Teofilo Chantre insère quelques morceaux en français dans ses albums, comme un clin d’oeil. Dans meStissage, il ose le moitié-moitié. Il confie l’écriture des textes au talentueux parolier toulousain Marc Estève, à qui l’on doit certains bijoux de Chambre avec vue d’Henri Salvador. Il a joliment travaillé avec le Cap-Verdien, capté son univers et son swing...

Teofilo manie le français avec soin, détache les syllabes, les fait danser, les déshabille et redonne une valeur poétique à des mots du quotidien. Mélange linguistique et rythmique, meStissage est le fruit de cet exil, de ses amours et de ses rencontres. Son magnifique duo avec Bernard Lavilliers, poète au cœur vagabond, illustre parfaitement cet entre-deux fécond entre chanson française et musique à vivre capverdienne.

 Teofilo Chantre meStissage (Lusafrica) 2011
En concert le 9 juin au New Morning à Paris 

Par Eglantine Chabasseur

 

 

 

 

 

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